Quel est le rapport entre la structure de rassemblement et les structures d’envoi ?
D'une manière générale, il y a deux positions. La première, celle de l'Église catholique, du COE, des « méga-Églises », et avec quelques nuances aussi celle de George Peters, soutient que la mission est la tâche de l'Église, de l'Église « missionnaire par nature » (en anglais missional church). Selon cette position, l'Église serait structure de rassemblement et d'envoi à la fois. Ce serait donc à cause de la paresse et de l'immobilisme de l'Église qu'à partir du Moyen Âge les ordres et les sociétés missionnaires auraient été créés pour reprendre le flambeau de la mission. Pour Peters, missiologue évangélique, l'Église ne peut pas être considérée comme « missionnaire par nature », mais animée par l'Esprit elle se souviendra de son mandat missionnaire divin si souvent oublié dans l'histoire de l'Église.
La deuxième position se fonde sur l'expérience de l'Église d'Antioche qui, poussée par le Saint-Esprit, devient missionnaire parmi les non-Juifs. Par la suite, elle est reconnue comme entité différente de la synagogue (Ac 11.20, 26). C'est elle qui envoie une équipe missionnaire itinérante (Ac 13.2-3). Celle-ci fonctionne de manière autonome, du point de vue stratégique et financier. Ainsi, dès le début, et pas seulement à partir de la création des sociétés missionnaires, il y aurait eu deux structures parallèles. Les représentants de cette position oublient que l'Église d'Antioche était une Église missionnaire « au près » qui, poussée par le Saint-Esprit, a également envoyé des équipes missionnaires « au loin ».
Quelles relations structurelles entre Église et mission ? Winter opterait pour l'autonomie, position qui s'exprime dans la création du Réseau global des structures missionnaires qui désire atteindre les peuples encore non atteints par l'Évangile. Selon lui, l'autonomie des structures missionnaires garantira la survie de l'élan missionnaire et l'accomplissement progressif de « la tâche » parce que les Églises gêneront l'œuvre missionnaire par leurs priorités différentes et leur immobilisme, tout comme cela s'est passé au cours de l'histoire de l'Église.
Pour l'Église catholique, le COE, les méga-Églises et les différents mouvements pour l'Église missionnaire ce serait l'intégration. La conséquence a souvent été que l'élan missionnaire s'est éteint et que les structures missionnaires ont disparu, comme lors de l'intégration du Conseil international des missions dans le Conseil œcuménique des Églises en 1961. Dans l'Église catholique la Congrégation pour la Propagation de la Foi, fondée en 1622, continue depuis 1982 sous le nom de Congrégation pour l'évangélisation des peuples et maintient un dynamisme missionnaire.
Pour le mouvement évangélique George Peters propose un partenariat entre Églises locales et sociétés missionnaires. S'il vivait aujourd'hui, il parlerait probablement d'un réseau entre Églises locales, institutions de formation théologique, sociétés missionnaires et organisations humanitaires, toutes centrées autour du même but : l'évangélisation du monde. Ainsi, plusieurs structures peuvent partager leurs compétences et échanger leurs expériences particulières.
À titre d'exemple, ma mission, l'Alliance Missionnaire Évangélique (AME), intègre pleinement les aspects humanitaire et évangélistique. L'AME a un partenariat avec l'Union des Églises libres en Suisse, et avec la dénomination France-Mission en France. Par le biais de l'Association suisse des Missions Évangéliques elle soutient la Faculté missiologique à Stuttgart et me met à disposition des Facultés de théologie de Vaux-sur-Seine et d'Aix, de la Fédération de missions évangéliques francophones (FMEF) et du Réseau de missiologie évangélique en Europe francophone (REMEEF). Ainsi il y a un partenariat entre unions d'églises locales, société missionnaire et structures de formation et un réseau entre structures francophones et germanophones.
Extrait du chapitre « La nature et les structures de l'Église et de la mission » (auteur : Hannes Wiher)
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Le livre « L'Église locale en mission interculturelle : Communiquer l'Évangile au près et au loin », sous la direction de Evert Van de Poll, Excelcis, 2014
Cet ouvrage est publié avec le concours de la Fédération de Missions Évangéliques Francophones (FMEF) et du Réseau de Missiologie Évangélique pour l'Europe Francophone (REMEEF).
Dans cet ouvrage, théologiens, pasteurs, responsables d'organismes spécialisés, implanteurs des Églises, un animateur de missions à court terme, et un sociologue offrent leurs réflexions. Ainsi, différents regards sur le rôle de l'Église locale dans la mission se croisent.
Ce livre est destiné aux responsables des Églises comme aux « praticiens » qui se sont engagés dans une œuvre missionnaire, et à tous ceux qui sont intéressés par la mission.
Vous pouvez trouver cette ressource chez son éditeur ou un libraire