L'histoire de Brahim

Un enfant de la rue au Tchad

Je m'appelle Brahim et j'ai environ 14 ans. Quand je n'étais qu'un bébé mes parents ont divorcé et suite à cela ma mère et moi-même sommes repartis dans sa ville natale au Nigéria. Peu de temps après ma mère s'est remariée, j'ai été confié à ma grand-mère. J'ai donc passé ma petite enfance paisiblement vivant chez ma grand-mère et pouvant visiter à tout moment ma mère, son mari et mes nouveaux frères.

Un jour arrivant à la maison (j'avais alors environ 6 ans), j'ai trouvé ma grand-mère en discussion avec mon oncle paternel. Il était venu pour m'emmener chez mon père qui habitait toujours au Cameroun à environ 30 minutes de N'Djaména. Je n'ai pas compris toute la discussion, mais une chose était certaine, Mamy n'était pas du tout contente, elle disait que c'était trop tôt et qu'elle ne voulait pas que je parte avec lui.

Ceci s'est reproduit plusieurs fois jusqu'au jour où mon oncle est venu plus déterminé que jamais et il m'a emmené avec lui pour m'amener chez mon père. Je n'étais pas vraiment préparé à ce changement et mes émotions étaient « tiraillées » : d'un côté je ne voulais pas quitter ma chère Mamy et ma maman, mais de l'autre côté j'étais curieux de rencontrer mon père et de pouvoir aller à l'école, comme il nous l'avait promis.

Arrivé chez mon père, j'ai rencontré en lui un homme très fier d'avoir un premier enfant garçon. Oui c'était moi son premier et seul fils d'ailleurs, puisque de sa deuxième femme il n'avait eu que des filles. Mais il était aussi très sévère avec moi. Il était un musulman très radical et il voulait faire de moi un « bon musulman ». Ceci dit je ne suis pas parti à l'école publique, mais à l'école coranique, car mon père ne voulait pas que j'apprenne le français ou que je puisse être influencé par les instructions des occidentaux. Je commençais à être malheureux, car je ne me sentais pas bien accueilli par la nouvelle famille de mon père et parce que je ne voulais pas être tout le temps enseigné à la maison et chez le Marabout.

J'ai donc commencé à manquer l'école coranique pour jouer avec mes amis ... ce qui ne plaisait pas du tout à mon père. Etant très déçu de mon comportement, il me tapait pour me discipliner. Une fois il m'a fouetté tellement fort que j'ai décidé de retourner chez ma grand-mère qui me manquait tant. Je suis parti à pied vers la ville de ma mère. J'ai marché sans manger pendant trois jours et enfin je suis arrivé. Ma mère était bien contente de me revoir. Malheureusement on est venu me rechercher assez vite et devant ma Mamy impuissante je suis reparti chez mon père.

La fuite

Pour me discipliner de ma fuite il m'a enchaîné. Malgré toutes ces manières fortes pour me discipliner, rien ne pouvait m'aider à trouver l'envie de devenir un bon musulman, au contraire je détestais de plus en plus ces enseignements. Je passais donc plus de temps dans la rue qu'à la maison. Je suis allé une deuxième fois chez ma Mamy mais sans succès puisqu'on me rechercha aussitôt.

Vers l'âge de 10 ans j'ai donc pris la décision de fuir vers ailleurs. Un ami me disait qu'en allant dans la grande capitale du Tchad N'Djaména j'aurais une belle vie, une vie sans soucis ! On est donc parti ensemble, mon ami et moi-même pour cette nouvelle aventure. Voilà la grande ville, mais hélas ce n'était bien sûr pas comme je l'avais imaginée. Personne chez qui aller, rien à manger et pas d'endroit où dormir. J'ai donc assez vite fait connaissance d'un groupe d'enfants qui vivaient dans la rue et en faisant comme eux j'ai appris à me débrouiller. Je trouvais de petits travaux en aidant les femmes à vendre et à transporter le charbon (je ne voulais pas voler), je mangeais de petites choses par ci par là, et je dormais avec mes nouveaux amis par terre sous le petit hangar d'une boutique.

La vie était dure, parfois j'avais faim, en saison de pluie on ne trouvait pas d'abri et quand il faisait froid je n'avais rien pour me couvrir, mais je savais bien que je ne pouvais pas retourner chez Mamy et je ne voulais absolument pas retourner chez mon père. Pour ne pas ressentir les souffrances physiques et psychiques, je « sniffais » de la colle pour oublier un peu ...

La maladie

J'ai ainsi passé 4 ans dans la rue. J'y ai rencontré Raffaele et Lucile et je suis allé quelques fois à leurs activités, sans pourtant être très intéressé. En août 2012, je suis tombé gravement malade. J'avais le paludisme et la fièvre typhoïde. J'étais couché au milieu de la rue pendant 2 jours sans que personne ne vienne m'aider, jusqu'à ce qu'un autre enfant de la rue appelle Raffaele pour de l'aide. Il est venu me chercher et il m'a amené chez lui, j'étais quasi inconscient et il a été obligé de m'amener à l'hôpital. Il y avait en permanence un garde malade et après deux jours le médecin fit part à Awital (qui était là ce jour-là) que si je ne recevais pas vite du sang j'allais mourir. Ainsi donc on me donna du sang d'Awital en plus des autres transfusions et médicaments et après une semaine j'allais enfin mieux. Mais comme j'étais encore très faible et amaigri, et la famille Surico m'a donc gardé chez eux pour ma convalescence.

Je ne le savais pas encore mais cette maladie allait changer ma vie ! Après cette maladie j'ai bien compris que la vie dans la rue était trop dangereuse et j'acceptai de me laisser aider par l'équipe « Reflets d'Espérance ». En restant chez les Surico et avec une autre famille tchadienne et en passant du temps avec Lisa, Friederike, Florentina, Awital et les bénévoles tchadiens, j'ai pu retrouver la valeur de ma personne, j'ai pu me sentir aimé, j'ai pu m'ouvrir et j'ai retrouvé la joie de vivre. Je suis resté 4 mois avec eux et pendant ce temps j'ai pris du poids, j'ai appris pas mal le français, j'ai appris à lire et écrire presque toutes les lettres, j'ai entendu les histoires de la Bible.

Les femmes du marché avec qui je vendais du charbon auparavant ne me reconnaissaient presque pas : je suis devenu un autre enfant, propre, gentil, content. Pendant ce temps j'ai pu apprendre ce qu'est la foi chrétienne et la prière et enfin je savais pourquoi depuis toujours j'avais une telle aversion envers les enseignements islamiques. Dieu avait placé dans mon cœur le désir de le rencontrer bien avant et voilà qu'enfin j'ai pu le connaître. J'ai pu accepter de tout mon cœur Jésus Christ comme mon Sauveur et j'ai pu commencer à Lui parler comme un ami. Alléluia !

Le changement

Retrouver le chemin de la réinsertion dans ma famille n'a pas été sans problème. On visita mon père qui se jura ne jamais vouloir me revoir. Il donna donc la permission aux représentants de « Reflets d'Espérance » de faire de moi ce qui leur semblait bon. Mon père m'a refusé c'est vrai, mais ceci a été mon espoir de pouvoir retourner chez Mamy pour toujours ! Le bénévoles sont donc partis à la recherche de ma famille au Nigeria sans avoir d'adresse précise. Ce voyage a été pour eux un vrai périple, puisque arrivant sur place ils ont trouvé une ville qui avait été prise par les islamistes extrémistes. L'armée nigériane leur donna 2 heures pour faire leurs recherches.

Arrivés dans le quartier de ma mère on les informa qu'elle avait quitté l'endroit pour une autre ville il y a 2  ans. Dans le quartier de ma grand-mère personne ne pouvait leur donner des renseignements jusqu'à ce qu'un garçon reconnut ma photo et dit « voilà Brahim mon ami d'enfance, je vais vous amener chez sa grand-mère ». Arrivé chez Mamy elle était en larmes de joie, car pour elle j'étais son fils perdu. Elle se montra bien sûr disponible à m'accueillir ! C'est donc avant Noël que j'ai entrepris le voyage pour retourner chez ma grand-mère bien aimée ! Tout le voisinage m'a acclamé de joie ! J'ai retrouvé ma maison ! Quelle joie de revoir Mamy et aussi mon petit frère qui a 2 ans de moins que moi ! Et tout cela parce que Dieu m'aime et qu'il ne m'a pas abandonné !

Maintenant je me trouve chez Mamy, depuis 3 mois. Mon frère et moi on s'occupe de vendre du bois pour ensuite acheter et cuisiner du riz. On essaye de bien nous occuper de Mamy qui commence à vieillir. Je ne peux pas aller à l'école car elles ont été incendiées. Je ne peux pas non plus aller à l'église car elles ont aussi ont été brûlées. Mamy me permet d'être chrétien mais elle a un peu peur car les islamistes tuent tous les chrétiens de la ville et déportent les jeunes pour en faire des soldats. La ville est quasi déserte, mais Mamy ne veut pas la quitter, elle préfère y mourir, s'il le faut. Moi je suis content d'être avec elle et mon frère, mais j'aimerais bien un jour apprendre plus à l'école.

Priez pour moi et ma petite famille, que Dieu nous protège, et que les attaques islamistes puissent cesser, que cette ville retrouve sa vie normale, et que je puisse mieux connaître Dieu !

 

*Le nom du garçon et des lieux ont été changés.

Equipe EDR (juin 2013)

 

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